Un dessert de fête
La crêpe est le dessert du dimanche et des jours de fête des campagnes depuis longtemps. Les ingrédients sont faciles à se procurer et la préparation est simple. C’est le dessert idéal pour les repas de fête devant être organisés rapidement, sans qu’on ait eu le temps de préparer en avance des pâtisseries au four à bois.
Au XIXe siècle, on les consomme à la Chandeleur, au Carnaval, à la mi-Carême. Les crêpes symbolisent la fin de l’hiver, le retour de l’abondance, de la fécondité et du printemps : “Si point ne veux de blé charbonneux, mange les crêpes à la Chandeleur” dit un dicton vendéen.
Mais les traditions régionales pour la Chandeleur ne sont pas toutes attachées aux crêpes. Elles lui préfèrent d’autres gâteaux : les navettes de Marseille inventées par un boulanger, Antoine Lauzière, en 1782 ou les navettes d’Albi consommées depuis la fin du XVIIIe siècle, mais aussi les crespèt ou pets du Béarn (des beignets), les mariottes de Montbard (biscuits feuilletés de la Côte d’Or) et les gaufres dans le Nord.
Les crêpes de la Chandeleur
Le 2 février, jour de la Chandeleur, est une fête chrétienne qui commémore la Présentation de Jésus au Temple. Cette ancienne tradition juive de l’Antiquité correspond à la présentation du garçon premier né de la famille 40 jours après sa naissance. Mais c’est aussi, de très longue date, la fête des chandelles car on bénit des cierges à cette occasion. Depuis l’Antiquité, les chandelles ont le pouvoir d’éloigner le feu des maisons et de faire fuir les esprits des ténèbres. Jusqu’au milieu du XXe siècle, les chandelles ont plus d’importance ce jour-là que les crêpes. Mais les archives ne nous disent pas depuis quand les crêpes ont remplacé les chandelles. Faire des crêpes pour la Chandeleur semblent une habitude urbaine qui commence à se pratiquer dans le courant du XIXe siècle. La preuve en est peut-être qu’en pays du Berry, de nombreuses familles paysannes au XIXe siècle ne connaissent pas les crêpes de la Chandeleur. Les enquêtes menées auprès des anciens notent que seules quelques familles, à la fin du XIXe siècle, faisaient des crêpes pour Carnaval et surtout pour la Chandeleur.
Quand les crêpes deviennent une spécialité régionale
Nos régions ont du talent et elles ont su faire de cette préparation du dimanche un plat typiquement régional.
• Les plus connues sont les crêpes et les galettes bretonnes difficiles à distinguer l’une de l’autre, même pour un breton. En général, la galette est presque toujours réalisée avec de la farine de sarrasin et la crêpe avec de la farine de froment. Ce plat traditionnel se retrouve également en Normandie sur les tables jusqu’au début du XXe siècle. Mais les Normands n’en ont pas fait une spécialité touristique.
• Le Limousin consomme également des galettes de sarrasin que l’on appelle tourtou, bourriol ou encore galetou.
• Les pascades ou les pascajous de l’Aveyron sont de grosses crêpes salées ou sucrées que les Aveyronnais vous interdisent d’appeler crêpes!
• Les crêpes à l’anis du Périgord que l’on sert aux invités et les Jacques fourrées au pain ou aux pommes pour nourrir toute la famille à moindre coût tout en se régalant.
Pour en savoir plus
Auger-Holderbach P., La cuisine Paysanne en Rouergue : tradition et vie quotidienne, Rodez, Éd. du Rouergue, 1992, 174 p.
Cretin Nadine, Fêtes de la table et traditions alimentaires, Toulouse, Le pérégrinateur éd., 2015, 237 p.
Desquand Agnès, Boire et manger en Sancerrois au temps de la cuisine à l’âtre, Bourges, imprimerie Desquand, 1977, 548 p.
La Mazille (Mallet-Maze Andrée), La bonne cuisine du Périgord (1929), Paris, réédition Flammarion, 2013, 317 p
L’inventaire du patrimoine culinaire de la France : Bretagne, Albin Michel/CNAC, 1994, 426 p.
L’inventaire du patrimoine culinaire de la France : Midi-Pyrénées, Albin Michel/CNAC, 1996, 333 p.
L’inventaire du patrimoine culinaire de la France : Limousin, Albin Michel/CNAC, 1998, 222 p.
Palay Simin, Autour de la table béarnaise. Tradition, coutume, terminologie, proverbes et dicton, Toulouse/Paris, Édition de l’Académie de Béarn, Privas/Henri Didier, 1932, 117 p.
Palay Simin, La cuisine du pays Armagnac, Béarn, Bigorre, Landes, Pays Basque. 500 recettes de cuisine, pâtisserie, confiserie, Pau, Marrimpouey Jeune, 4eme édition, 1951, 265 p.
Vielfaure Nicole et Beauviala Anne-Christine, Guide des fêtes et gâteaux, Édition Bonneton, Association des traditions familiales et Gourmandes, 1979 (réédition extraits de 1990), 159 p.