Bien que de tout temps la cuisine soit le plus souvent l’affaire de la femme, on connait à ce jour et pour les années antérieures à 1930, peu de livres de cuisine écrits par des femmes. Depuis l’Antiquité, le traité culinaire semble une affaire d’homme.
Les plus anciens livres de cuisine au féminin.
Les livres de recettes écrits par une femme parvenus jusqu’à nous sont rares. Le plus ancien connu est le cahier manuscrit de recettes de soeur Maria Vittoria della Verde, conservé à la bibliothèque du Wellcome Institute de Londres. Le recueil a été écrit par une religieuse du monastère de la Beata Colomba de Pérouse en Italie. Ce manuscrit est exceptionnel : il comprend des notes d’ordre religieux, des conseils sur la vie matérielle du monastère, des instructions de couture… et 400 recettes copiées au jour le jour, entre 1583 et 1606. Instruite et apparemment gastronome, Soeur Maria della Verde est issue d’une famille de la bonne société. Alors que les traités culinaires, souvent aristocratiques, écrits par des hommes, comprennent majoritairement des recettes de chair (poisson ou viande), soeur Maria della Verde donne un large choix de plats de légumes et de céréales, notamment plusieurs recettes de pâtes alimentaires.
En Angleterre, il faut attendre le XVIIIe siècle pour voir un livre de cuisine imprimé écrit par une femme. Issue d’une famille de petits propriétaires terriens, Hannah Glasse (1708-1770) a écrit plusieurs ouvrages sur l’instruction du ménage et de la cuisine. En 1747, elle fait éditer à Londres, The Art of cookery made plain and easy. Son livre est un succès, il est réédité 36 fois au cours du siècle.
En France, pays de la gastronomie, en 1794 ou 1795, l’éditeur Mérigot le jeune sort de ses presses un livre de 38 recettes qui est attribué à Madame Mérigot. C’est un ouvrage spécialisé sur la pomme de terre : La cuisinière républicaine qui enseigne la manière simple d’accomoder les pommes de terre avec quelques avis sur les soins nécessaires pour les conserver. Il est, à ce jour, le premier livre français de cuisine connu écrit par une femme.
En 1814, Louise-Auguste Friedels, rédige et édite de petits manuels de cuisine destinés aux petits ménages : Le petit cuisinier habile, qu’elle réédite en 1821 sous le titre de La petite cuisinière habile. Madame Friedels est la femme d’un confiseur de Berlin qui s’installe à Paris après la mort de son époux. Ces ouvrages pratiques de cuisine semble la faire vivre et dénote donc d’un certain attrait pour ce type d’ouvrage au féminin.
Le 19e siècle et la cuisine des régions de France.
En 1811, suivant l’engouement du moment pour les cuisines régionales, Marguerite Spoerlin, fille d’un aubergiste de Mulhouse, publie La cuisinière du haut Rhin traduit en français en 1829. Un siècle plus tard, dans ce même registre de la cuisine régionale, Marthe Allard-Daudet dit Pampille (journaliste) publie, en 1913, Les bons plats de France.
À partir du tournant des années 1920-1930, trouver en librairie des livres de cuisine rédigés par des femmes devient courant. Ils ciblent un public féminin : les ménagères qui oeuvrent chaque jour pour nourrir leur famille. L’exemple le plus connu est certainement La véritable cuisine de famille de Tante Marie qui annonce en sous-titre « Seul ouvrage contenant la manière d’utiliser les restes ». Il devient dans la première moitié du XXe siècle, la bible de la cuisine familiale.
Ces premiers ouvrages de cuisine écrits par des femmes s’attachent à valoriser le savoir-faire des femmes qui font la cuisine dans les campagnes françaises. Ainsi, en 1929, Andrée Mallet-Maze dit La Mazille, publie chez Flammarion, La bonne cuisine du Périgord illustré par sa soeur Renée. Son recueil de 400 recettes est écrit comme un ouvrage sur les traditions populaires révélant à tous des recettes traditionnelles transmises oralement de mère en fille.
Pour en savoir plus
Collectif, Livres en bouche. Cinq siècles d’art culinaire français, du quatorzième au dix-huitième siècle. Catalogue de l’exposition « Livres en bouche » (21 novembre 2001 -17 février 2002) à la Bibliothèque de l’Arsenal, Paris. éd. Bibliothèque Nationale de France et Hermann, 2001, 250 p.
Sabban Françoise, Serventi Silvano, La gastronomie à la Renaissance, 100 recettes de France et d’Italie, Paris, Stock, 1997, 314 p.