C’est un arbrisseau méditerranéen aux fleurs bleues, roses ou blanches que l’on peut encore rencontrer à l’état sauvage en Haute-Provence. Son goût évoque un mélange de romarin, de sarriette et de mâche avec une légère odeur camphrée.
Une herbe aromatique appréciée dans la cuisine médiévale.
Au Ier siècle ap J.-C., dans les rituels juifs, l’hysope n’est pas considérée comme un condiment de cuisine, mais comme herbe purificatrice. Elle fait partie des cinq herbes amères consommées à Pâques pour commémorer la fuite hors d’Egypte et symboliser l’amertume du sort du peuple juif. On la retrouve également dans un seul plat du célèbre ouvrage de cuisine dit d’Apicus. On peut en déduire que l’hysope n’est pas parmi les herbes culinaires les plus utilisées dans l’Antiquité.
Au Moyen Âge, en revanche, l’hysope entre en cuisine. Dès le XIIe siècle et jusqu’au XVIe siècle, la plante fait partie de la palette aromatique. Hildegarde de Bigen (XIIe s.) conseille de l’utiliser dans tous les plats de viande et les bouillons, aussi bien cuite, réduite en poudre ou crue afin de prévenir une bonne santé. On la trouve dans quelques recettes du Ménagier de Paris, en 1390 (1,6 % des recettes). Maître Chiquart, cuisinier du duc de Savoie au milieu du XVe siècle, la met dans son bouquet garni avec de la sauge, du persil et de la marjolaine. Bartolomeo Sacchi, dit Platine (auteur d’un livre de diététique en 1470) trouve qu’elle a une bonne odeur, un goût prononcé et amer. Elle se cueille au printemps. Il y a l’hysope des montagnes, sauvage et celle des jardins, cultivée.
Au XVIe siècle, Jean Bruyerin-Champier (médecin de François Ier), trouve son parfum et son goût excellent. Toutefois, précise t-il, trop dosée elle donne de l’amertume aux plats. Lancelot de Casteau, cuisinier de l’évêque de Lièges dans la seconde moitié du XVIe siècle l’emploi encore pour certaines recettes (1,2% de ces recettes) de « hochepots ordinaires » (potages à la viande) associé avec d’autres herbes : le romarin, la marjolaine, le basilic, l’origan, le laurier, la sauge, le persil, la myrte (saveur entre le genièvre et le romarin), ou le serpolet.
À partir du XVIIIe siècle, la saveur de l’hysope est passée de mode et elle va surtout être utilisée en pharmacopée.
Une herbe calmante indispensable en médecine.
Hildegarde de Bigen, au XIIe siècle, considère cette plante comme bénéfique. Elle purifie le foie et purge un peu les poumons. Elle préconise de la consommer dans les plats, car elle peut faire plus de mal que de bien si on la consomme en décoction dans du vin ou de l’eau. Sa force serait trop grande. Bartholomeo Sacchi (en 1470) donne plusieurs recettes médicinales : cuite dans du vinaigre, elle guérit la douleur des dents. Et aussi : l’eau de cuisson de figues fraîches avec de l’hysope est bonne pour la toux.
Au XVIIIe siècle, elle n’est plus considérée comme condiment de cuisine mais seulement comme plante médicinale. La mode des eaux simples à base de plantes médicinales distillées pour la pharmacopée se développe alors et l’hysope entre dans plusieurs recettes. Le Dictionnaire portatif de cuisine de 1755 explique cette mode : « les eaux simples sont une sorte d’extrait liquide des fleurs et plantes adorantes que l’on tire par la voie de la distillation. Les extraits sont d’ordinaire beaucoup plus parfaits, d’une odeur et d’un goût supérieurs à la plante ou la fleur… valent infiniment mieux que la plante même, surtout celles qu’on garde sèches et dont l’infusion n’a jamais à beaucoup près les qualités de ces eaux simples distillées sans aucune liqueur spiritueuse (non alcoolisée). »
Au XIXe siècle, elle entre dans la composition de l’Eau miraculeuse – angélique 30 g, romarin 30 g, marjolaine 30 g, baume des jardins 30 g, hysope 30 g, absinthe 30 g, menthe 30 g, thym 30 g, sauge 45 g et 2,5 l d’eau-de-vie. Cette eau est considérée bonne contre les indigestions, la constipation, les étourdissements (1/2 c à bouche tous les matins), et aussi les inflammations et les blessures (en compresses 2 ou 3 fois par jour).
Aujourd’hui, les propriétés de l’hysope sont reconnues bonnes pour la digestion (vertus carminatives et stimulantes), mais elle reste surtout employée en infusion, pour soigner les problèmes pulmonaires, notamment pour apaiser la toux. Elle combat les rhumes et la grippe. La tisane se prépare en laissant infuser 20 g de fleurs et de feuilles fraîches dans 1 litre d’eau bouillante.
Pour en savoir plus
André Jacques, Apicius, L’art culinaire, Les Belles Lettres, Paris, 2010, 235 p.
Delaveau Pierre, Histoire et revouveau des plantes médicinales, Sciences d’aujourd’hui, Albin Michel,Paris, 1983, 354 p.
Faure Paul, Parfums et aromates de l’Antiquité, Fayard, Paris, 1987, 357p.
Garrigues M., Simpes lectures sur les sciences, les arts et l’industrie à l’usage des écoles primaires, nouvelle édition entièrement refondue par M. Boutet de Monvel et accompagnée de 157 figues, Librairie Hachette et Cie, Paris, entre 1872, 525 p.
Lancelot de Casteau, Ouverture de cuisine, 1604, réédition fac-similé De Schutter, Anvers/Bruxelles, 1983, 307 p.
Plouvier Liliane. « Les médicaments à usage interne dans la Pharmacopée montoise de 1755 (Operationes chimicæ et Compositiones galenicæ) ». In: Revue d’histoire de la pharmacie, 87e année, n°321, 1999. pp. 7-22