Revenir aux origines des fêtes de Noël.
Dans l’Antiquité, les fêtes païennes du solstice d’hiver qui se déroulent dans la seconde moitié du mois de décembre, ont pour point commun de grands repas copieux et festifs. On fête alors la fin des longues nuits et le renouveau d’un nouveau cycle saisonnier en honorant Saturne, Apollon, Janus, Mithra, la victoire de la lumière sur la nuit…
Dans les années 330, afin de profiter de ces traditions, le tout jeune clergé chrétien place la naissance du Christ dans la nuit du 24 au 25 décembre. Les évangiles ne précisent pas la date de naissance de Jésus. Or cette date est essentielle pour la construction de la nouvelle religion d’État depuis 325. Peu à peu, la fête de la nativité reste la seule fête de décembre.
La tradition dans ces siècles passés est de se réunir autour d’un repas amélioré qui se distingue du repas ordinaire par la qualité et la quantité des mets servis. Mais attention, depuis le IXe siècle, suivant le calendrier chrétien, le 24 au soir, veille de fête religieuse, est un jour maigre où la viande est interdite. En revanche, le 25 est un jour gras où toutes les denrées sont autorisées.
Que sait-on des repas de Noël pour ces temps très anciens?
La notion de « plat traditionnel » à confectionner pour une occasion précise n’est pas dans les habitudes alimentaires des sociétés du passé. Toutefois, les livres de comptes conservés dans les archives précisent les achats ou les redevances alimentaires que l’on provisionne tout au long de décembre en vue du repas de Noël.
Ainsi, en 832, l’abbaye de Saint-Denis, en Pays de France, reçoit en redevance des volailles, de la viande de porcs engraissés pour préparer les volailles, du blé pour préparer les pains de Noël et 1100 oeufs doivent être fournis à la boulangerie de l’abbaye pour cette occasion.
De nombreux textes littéraires du XIIe siècle font référence à ces repas de Noël : le Roman de Renard, les chansons et poèmes des troubadours. Ils rappellent que l’on tue le cochon avant Noël afin d’avoir de la charcuterie fraîche pour les fêtes. On offre en cadeau à cette période des neulas ou neolas (gaufrettes), des vins aux épices (pimen, hypocras), des chapons.
Ces habitudes ne changent pas aux XIVe et XVe siècles. Dans les textes, qu’ils soient poétiques ou comptables, on retrouve les mêmes produits : du porc engraissé, des volailles, des chapons, du vin blanc, des vins doux (muscadel), des vins épicés (pimen et hypocras), mais aussi du petit gibier qui reste un produit de saison : lapin, lièvre, perdrix, des neulas et surtout des épices. Les achats d’épices (poivre noir, gingembre, cannelle, safran, noix de muscade, graine de paradis, poivre long, clou de girofle, sel, moutarde) pour confectionner les repas de fête sont effectués à cette époque de l’année dans toutes les familles, même les moins riches.
Les plats de fête sont des viandes rôties, des tourtes, des galantines. De rares spécialités nous sont connues comme la « piperade » Provençale, un plat de chair de boeuf servi avec une sauce au poivre et aux épices. Le pain d’étrennes est offert au curé de la paroisse et le pain de Noël (à la farine de blé) constitue une redevance que certains vassaux payent à leur seigneur.
Pour en savoir plus
Cretin Nadine, Fêtes de la table et traditions alimentaires, Toulouse, Le pérégrinateur éd., 2015, 237 p.
Cuisenier Jean et Guadagnin Rémi, Un village au temps de Charlemagne. Moines et paysans de l’abbaye de Saint-Denis du VIIe siècle à l’An Mil, Catalogue d’exposition du Musée national des arts et traditions populaires du 29 novembre 1988 au 30 avril 1989, Réunion des musées de France, 1988, 357 p.
Franklin Alfred, Dictionnaire historique des arts, métiers et professions exercés dans Paris, depuis le treizième siècle, Paris/Leipzig, H. Welter éditeur, 1906, 256 p
Meyzie Philippe, La table du Sud-Ouest et l’émergence des cuisines régionales (1700-1850), Rennes, PUR Collection « Histoire », 2007, 428 p.
Pfeffer Wendy, Le festin du troubadour. Nourriture, société et littérature en Occitanie (1100-1500), Cahors, La Louve éditions, 2016, 400 p.
Stouff Louis, La table provençale. Boire et manger en Provence à la fin du Moyen Age. Avignon, Ed. A. Barthélemy, 1996, 236 p.
Taillefer Michel, Vivre à Toulouse sous l’Ancien Régime, Toulouse, Ombres blanches, 2000, réédition 2014, 413 p.