Dés son arrivée en France, de par son coût élevé de production et de transport, l’ananas devient un aliment de valorisation sociale associé à la consommation de luxe. La conserve d’ananas va démocratiser le fruit dans le monde entier. Mais qui a, le premier, réalisé cette révolution ? L’histoire est incertaine sur ce point, mais tout se passe au XIXe siècle. Vers 1870, un marin français installé à Singapour, aurait confectionné des conserves d’ananas qu’il vendait aux marins de passage. Dans les années 1880, à Hawaii, le conditionnement en boîte est développé. Les tranches d’ananas produits sur place sont recouvertes d’un jus sucré fait par pressage des déchets de chairs (le coeur et la pulpe récupérée en grattant la peau). En 1911, un américain invente la ginaca qui assure le succès de l’ananas en boite en Amérique. Cette machine permet de traiter 50 ananas à la minute. Au début du XXe siècle, la conserve se répand largement en Europe.
Il faut toutefois attendre le milieu du XIXe siècle pour voir des recettes à base d’ananas dans les livres de cuisine. Jules Gouffé, avec son livre de cuisine rédigé en 1867, à la fois pour les ménages et pour les professionnels, use de l’ananas dans les entremets sucrés chauds et froids et dans les desserts (10 recettes en tout). Il le classe dans les fruits hivernaux. Ainsi on le retrouve dans les corbeilles de fruits d’hivers, couronnant le dressage. L’ananas est associé à la fraîcheur, il entre dans des préparations glacées : le Moscovite, un bavarois glacé ; le pain d’ananas, une gelée glacée à base de purée d’ananas. On le combine à d’autres saveurs tel l’orange, la pomme, l’abricot. Comme la timbale de fruits, oranges et ananas composé d’un fond de génoise glacée à la meringue, garnie d’une gelée d’orange avec morceaux d’ananas. Ou encore le pain de riz à l’ananas, un riz sucré auquel on mêle des morceaux d’ananas cuits au sirop. Moulé et cuits au four, les timbales sont nappées avec une sauce pomme et jus d’ananas. Bien que déjà considéré comme un fruit très sucré, le XIXe siècle n’hésite pas à accentuer cette propriété. On fait ainsi des petites meringues fourrées à la marmelade d’ananas. Les tartelettes d’amandes à l’ananas se fond sur une base de pâte sablée aux amandes, garnie d’ananas confit coupés en petit dés lié à une marmelade d’abricots.
L’illustre Escoffier, en 1934, propose aux ménagères plusieurs recettes à base d’ananas. C’est l’époque ou la conserverie à permis la démocratisation de l’ananas. Les entremets glacés sont toujours les favoris : la glace à l’ananas, la coupe favorite, la bombe brésilienne, la mousse à l’ananas. Escoffier propose plusieurs recettes à base de tranches macérées dans un alcool (le kirsch le plus souvent). L’ananas à la parisienne est un savarin trempé au kirsch, recouvert d’une mousse glacée à l’ananas. On dresse dessus, des fraises et des demi-tranches d’ananas, le tout macérés au kirsch, que l’on couvre avec un sirop d’ananas et de purée d’abricot parfumée au marasquin. Ce gâteau est servi avec une crème chantilly. Un autre classique de l’époque, l’ananas Condés composé de tranches macérées dans du kirsch et du sucre, disposé sur un fond de riz vanillé.