L’aventure du cyclotourisme commence dans les années 1890. Les progrès techniques font du vélo un nouveau moyen de transport individuel accessible à tous. Porté par le développement du chemin de fer qui nous amène toujours plus loin, les balades en vélo deviennent un loisir qui ne cessera de se populariser.
Des associations, comme le Touring Club de France, fondé à 1890, oeuvrent pour faciliter et promouvoir le cyclotourisme. Ils établissent des cartes topographiques et des classements d’hôtels et restaurants. Le cycliste en balade doit pourvoir facilement trouver sur son chemin, un restaurant pour se sustenter et un hôtel pour se reposer. Dans les années 1910, se souvient Albert Jess, délégué du Tourning Club de France : « nous cyclistes étions à cette époque les maîtres de la route… Nombreux étaient les petits restaurants et hôtels qui pour 3 francs nous servaient apéritif et café compris, des repas complets ». Ce qui dans les années 1940, lui semble révolu. La voiture à faciliter les déplacements et surtout les congés payés ont démocratisé le tourisme en général.
Dans les années 1930 -1940, plusieurs auteurs de livres de cuisine ou de chroniqueurs culinaires se préoccupent de l’alimentation des cyclistes en balade. Tous ont pour soucis leur bien être : le paquetage, l’équilibre alimentaire, voire la limitation des déchets, tout est pris en compte pour donner les meilleurs conseils aux cyclotouristes qui ne peuvent se permettre un repas à l’auberge ou au restaurant à chaque sortie. Alors, qu’emportaient les premiers cyclistes dans leur sacoche pour se nourrir sur la route ?
Pour voyager léger, quoi emporter ?
Il existe des nécessaires pour la préparation et le service des repas en extérieur. Le Larrousse Ménager de 1926 note : « Il se fait des nécessaires pour le tourisme comprenant assiette, couverts pouvant être pliants, tasses (ou gobelet) et matériel de transport des mets et des boissons. Ce sont des boites en aluminium avec couvercle vissé pour toute sécurité malgré les secousses du transport. Des bouteilles isolantes conservant la température initiale pour boire le vin frais et le café chaud. On peut apporter des entremets sucrés ou des salades russes. ». Cet équipement est complété par une lampe à alcool solidifié, un support à casserole pour les poser au-dessus de la lampe, deux casseroles, une poêle en aluminium.
Pour limiter le paquetage, il est préconisé de se ravitailler dans les villages que l’on traverse. Édouard de Pomiane, en 1935, bien que médecin, prône la diversité des charcuteries françaises et l’amour inconditionnel depuis le XIXe siècle pour le beurre : “Dans chaque village français vous trouverez des rillettes, du pâté de foie de porc, du saucisson, du jambon fumé ou cuit. Mangez toutes ces charcuteries avec du pain et beaucoup de beurre”. En hiver, on peut même cuisiner avec son réchaud dans une petite auberge pour être au chaud. Il suffit, d’y acheter boissons et café et « on vous fournira l’eau de vaisselle ».
Les indispensables pour un repas facile à transporter
Le sandwich reste le repas complet indispensable pour les cyclistes en balade. Facile à préparer, facile à transporter, on peut à loisir varier les garnitures et les saveurs.
Les boites de conserves que l’on achète chez l’épicier demandent peu de préparations et sont faciles à transporter. On trouve dans les années 1930-1940, un large choix d’aliments en conserve. Parmi les plus citées pour les pique-niques, on trouve le foie gras, « l’éternelles boîte de sardines à la clef trop fragile » jusqu’aux fruits « de quelques lointaine Californie, en passant par l’obligatoire boite de cassoulet », des petits pois, des haricots verts stérilisés, des épinards, des macédoines de légumes, des haricots blancs, des flageolets. Mais attention nous avertit L. Loiseau, en 1940, « cette alimentation trop longtemps pratiquée amène un ample et salutaire dégoût de tout ce qui est comprimé et chair sans aloi. Une fadeur écoeurante vous éloignera désormais des vivres en boîte”. De même, en 1935, Éd. de Pomiane prévient, dans un soucis de saveur et de service parfait même en ballade : « Attention aux sardines, thon et maquereaux en boite qui donneront du goût aux assiettes et fourchettes et qui de ce fait nécessiteront de changer de service ».
Les potages minutes à servir pour le dîner sont réalisés avec des concentrés liquides ou épais, ou des tablettes compressées. On y ajoute pour l’agrémenter des oeufs battus, du gruyère râpé ou des tranches de pain.
Quelques conseils pour agrémenter vos repas avec des produits frais.
La cuisson de la viande doit être rapide pour économiser l’alcool solidifié ou s’éviter un feu trop long. Il est donc conseillé de préférer “un beefsteak, une escalope de veau, une côtelette de mouton que l’on aura choisi en passant au village. Il faut éviter la viande de porc qui demande une cuisson trop longue». Le poisson est plutôt laissé aux campeurs ou au pêcheurs qu’aux cyclistes nomades.
Assez étonnant pour nos habitudes alimentaires d’aujourd’hui, les ouvrages donnent toujours un chapitre de sauces pour accompagner les viandes. Elles sont réalisées, pour les sauces chaudes, sur la base de la sauce blanche (béchamel à l’eau) que l’on assaisonne suivant ses envies. La vinaigrette et la mayonnaise restent les sauces froides les plus citées pour les repas froids.
On trouve aussi des recettes à base d’oeufs : à la coque, mollet à la sauce, sur le plat, dur en salade, en omelette, brouillé; de pâtes alimentaires type nouilles longues qui sont plus rapides à cuire et de pommes de terre faciles à transporter crues. Les pommes chips très fines, frites et séchées sont confectionnées à la maison et emporter dans une boîte métallique.
Pour le dessert, les boites en aluminium permettant de transporter des salades de fruits, des crèmes. On peut emporter du fromage, des biscuits secs, et des confitures. Il ne faut pas oublier tous les fruits sauvages que l’on trouve sur les routes à cette époque, plus nombreux qu’aujourd’hui : « airelles rouges, myrtilles bleues, arbouses, aubépine, châtaigne, chêne vert pour ses glands doux, coqueret, cornouille mâle, églantier, fraises des baies, framboises, groseilles, micocoulier, nèfles, noisettes, pignon, mûres de ronces, cerises, pommes et poires sauvages » (L. Loiseau, 1940).
Ne pas oublier les boissons !
Et enfin, en suivant les recommandations du médecin, il ne faut pas oublier que « le cycliste a besoin de café que l’on emportera concentré sous forme liquide ou sous forme de tablettes. Pour lui aussi « une faible quantité de cognac sera salutaire. » Il faut donc prévoir d’emporter un petit flacon de cognac. “Cette petite quantité d’alcool loin d’être nuisible constituera un agréable aliment, directement combustible dans l’organisme”. On le mélange à l’eau pure de la gourde ou dans la citronnade.
Pour en savoir plus
Brérécourt-Villars Claudine , Mots de table, mots de bouche. Dictionnaire étymologique et historique du vocabulaire classique de la cuisine et de la gastronomie, Paris, Stock,1997, 428 p.
Chancrin E. et Faideau F. (dir.), Larousse Ménager. Dictionnaire illustré de la vie domestique, Paris, Larousse, 1926, 1260 p.
Hordé Tristan, Mots et fourneaux. La cuisine de A à Z, Bordeaux, Édition Sud-Ouest, 2013, 527 p.
Le cordon bleu, Revue, n° 953, 1er avril 1938.
Loiseau L., Cuisine de camping, Paris, Les éditions de la revue Camping, vers 1940, 143 p.
Pellaprat Henri-Paul, La cuisine froide, simple et pratique, Paris, Édition du comptoir Français du livre, 1937, 184 p.
Pomiane (de) Édouard, La cuisine en plein air, Paris, Paul-Martial, 1935, 188 p.
Ramillon Jeanne, Sur la route. Menus et recettes de plats froids pour l’auto et le camping, Evreux, R. Bauche, 1935 , 36 p.