Pour un cycliste ou un randonneur en balade, un pique-nique sur l’herbe, les sandwiches font partie des aliments froids préparés en avance « tant pour le plaisir de la bouche que pour la commodité du transport » (Éd. de Pomiane, 1935). « La meilleure manière, pour les transporter, est de les envelopper les uns contre les autres dans une serviette mouillée, bien tordue au préalable. » (L. Loiseau, 1940). Il est préconisé de les manger avec une boisson chaude.
Petite histoire du sandwich
La tradition raconte que la création de cette préparation anglaise est attribuée au cuisinier de John Montagu, comte de Sandwich (1718-1792) afin que son maître puisse se nourrir tout en restant à la table de jeu. Au XVIIIe siècle, les sandwiches anglais sont confectionnés avec des tranches de pain et de fines tranches de boeuf. On utilise le mot en France dès 1802. Il apparaît dans le langage courant en 1850. Le nom est tout d’abord prononcé au féminin (Le Moniteur universel de 1802, le Dictionnaire de l’Académie de 1870), puis devient masculin (Dictionnaire de l’Académie de 1935), bien que les dictionnaires stipulent de le prononcer au pluriel.
Au XIXe siècle, les Français réinventent cet en-cas qu’ils servent comme hors d’oeuvre au déjeuner ou pour accompagner le thé servi en milieu d’après-midi. En 1873, Alexandre Dumas le défini comme suit : « Sandwich ou tartine à l’anglaise que l’on fait avec du pain rassis à la pâte serrée. On découpe des tartines très minces que l’on beurre. Puis on émince soit du maigre de veau rôti, du filet de boeuf, du rosbif, du jambon cuit, de la langue à l’écarlate, de la volaille rôtie, du gibier ou du poisson sec. On range les lames sur les tartines, poudrer d’un peu de sel blanc. Recouvrir les viandes avec une tranche de pain beurrée aussi. Servir à dîner comme hors d’oeuvre ou en prenant le thé, comme collation. ». En 1907, un cuisinier comme Alcide Bontou est plus précis : « taillez deux tranches de pain de mie ou de pain blanc de 7 cm de long sur 4 de large et 2 ou 3 cm d’épaisseur. Entre deux tranches dont une beurrée, mettre une tranche mince de galantine, de jambon, de langue ou de pâté de foie gras. Servir en couronne ». Loin d’être trop simple pour la grande cuisine, les sandwiches peuvent devenir des plats de luxe tels cette description de Eugène Sue (romancier du XIXe siècle) dans Le juif errant de 1845 : «Ainsi sur des plats d’argent, s’élevaient en pyramides les sandwiches de laitance de carpe au beurre d’anchois, d’émincés de thon mariné et de truffes du Périgord”.
L’art du sandwich (1935-1940)
L’art du sandwich se retrouve dans les livres de cuisine nomade des années 1935-1940, peut-être en rapport avec le développement des loisirs. La diversité des préparations nous montre combien nos cuisines d’aujourd’hui manquent parfois d’imagination.
Pour le pain, un large choix s’offre au gastronome en balade : pain blanc autant que possible légèrement rassis, pain grillé ou légèrement rissolé, pain anglais, pain de mie, biscottes, petits pains, pain au lait, croissants, pain de seigle, pain d’épice.
Pour la garniture, tout d’abord, pour la saveur et l’onctuosité, une large gamme de beurres aromatisés fait maison sont proposés. La cuisine du début du XXe siècle, dans la continuité de la cuisine du XIXe siècle fait une part très belle au beurre qui semble indispensable dans tous plats de cuisine bourgeoise. Ces préparations à tartiner sont réalisées en pilant les ingrédients que l’on mélange au beurre frais ou salé. Le mélange est passé au tamis pour affiner la pâte à tartiner. On peut ainsi confectionner des beurres aromatisés salés ou sucrés ce qui donne une infinie possibilité de sandwiches.
Les garnitures des tranches de pains, outre l’indispensable beurre frais, salé ou aromatisé, peuvent comprendre viandes, poissons, légumes et fruits divers. Voici quelques idées d’associations aux saveurs des années 30 pour vous mettre l’eau à la bouche et vous donner envie d’une balade estivale, juste pour déguster vos sandwiches sur l’herbe.
- Au jambon : jambon maigre ou fumé, laitue coupée, tomates et oeufs.
- Au poisson : avec poisson en boite (anchois, spart, thon, sardine, filets de hareng). Ou plus raffiné, oignons broyés et beurre de thon ou de sardine ou de harengs.
- Aux crustacés : émincés de langouste, homard, écrevisses, langoustines et sauce mayonnaises très ferme.
- Aux viandes froides : veau, poulet, lames de boeuf, langue avec beurre salé.
- Aux charcuteries : rillettes, pâté de foie, fromage de tête, saucissons, salmis, andouille, pâté de lapin, galantine, hure, cervelas…
- Aux légumes : betteraves en rondelles, céleri tige en cubes, fenouil, champignons crus, émincés de radis noir, de concombre, de tomates, salades en feuille, napper de mayonnaise.
- Aux fromages : Gruyère, chester, hollande, concoillotte, camembert ou roquefort broyés avec du beurre et pain frotté d’ail.
- Aux fruits : tranches de pain d’épice, avec cerises dénoyautées ou tranches d’ananas que l’on trouvent toute l’année en conserve. Mais aussi confiture de marrons ou d’oranges, bananes, tranches de pommes, de poires, mélanger avec des noix et des noisettes.
Pour en savoir plus
Brérécourt-Villars Claudine , Mots de table, mots de bouche. Dictionnaire étymologique et historique du vocabulaire classique de la cuisine et de la gastronomie, Paris, Stock,1997, 428 p.
Chancrin E. et Faideau F. (dir.), Larousse Ménager. Dictionnaire illustré de la vie domestique, Paris, Larousse, 1926, 1260 p.
Hordé Tristan, Mots et fourneaux. La cuisine de A à Z, Bordeaux, Édition Sud-Ouest, 2013, 527 p.
Le cordon bleu, Revue, n° 953, 1er avril 1938.
Loiseau L., Cuisine de camping, Paris, Les éditions de la revue Camping, vers 1940, 143 p.
Pellaprat Henri-Paul, La cuisine froide, simple et pratique, Paris, Édition du comptoir Français du livre, 1937, 184 p.
Pomiane (de) Édouard, La cuisine en plein air, Paris, Paul-Martial, 1935, 188 p.
Ramillon Jeanne, Sur la route. Menus et recettes de plats froids pour l’auto et le camping, Evreux, R. Bauche, 1935 , 36 p.