L’usage de la fourchette pour manger à table remonte au début du Moyen Âge. L’auteur oriental, Al-Jâhiz de Bassora (vers 776 – 869) l’atteste dans un de ces ouvrages (le Kitâb al-bukhalâ) et d’autres rares récits décrivent son usage au XIe s., à Byzance et au XIIe siècle, en Italie. La fourchette, en ces périodes anciennes, est un objet de luxe réalisé avec des matières précieuses (or, argent, cristal, perles, saphir, nacre, ivoire). Seuls les aristocrates en possèdent et l’utilisent à table. L’église, au XIIe-XIIIe siècles, la considère comme un objet signifiant la préciosité de son utilisateur. Hors, pour le Pape Innocent III (1160 -1216), tout signe d’extrême raffinement est à proscrire. Elle semble donc avoir eu bien du mal à s’imposer dans les usages de table.
Toutefois, les Italiens semblent l’avoir adopté les premiers pour manger les pâtes. Le nouvelliste florentin, Franco Sacchetti (1335 – 1400), nous rapporte une histoire de macaronis en sauce que l’on mange avec une fourchette. De plus, on voit, dans les inventaires après décès, de Florence, de la fin du XIVe siècle, le nombre de fourchettes augmenter. Et en 1518, à Venise, l’usage de la fourchette est devenu habituel.
Dans les autres cours du vieux continent, l’usage de la fourchette à table est acquise dès la fin du XIIIe siècle (1297, dans l’inventaire d’Edouard 1er d’Angleterre), mais semble encore réservée à certains mets. On s’en sert pour manger les poires, pour attraper la souppe au vin (tranche de pain trempée dans un potage au vin), les mûres, le gingembre vert.
L’humaniste hollandais Erasme, en 1530, précise dans son Traité de civilité puérile que la fourchette sert à attraper un morceau de viande dans un plat collectif. Car, il est devenu grossier de tremper ses doigts dans le plat commun.
En Italie, à la fin du XVIe siècle, à la cour du Cardinal de Sans, on dispose autour de l’assiette, le couteau, la fourchette, la cuillère et la serviette. La fourchette est adoptée par la haute aristocratie. Il faudra attendre encore plusieurs dizaines d’années pour qu’elle se popularise.
En savoir plus :
Frugoni Chiara, Le Moyen Âge sur le bout du nez. Lunettes, boutons et autres inventions médiévales, Les belles lettres, 2001, réedition française 2013, 262 p.
Gay Victor, Glossaire archéologique du Moyen Âge et de la Renaissance, T. 1, Paris, Librairie de la Société Bibliographique, 1887, 819 p.
Latrémolière Élisabeth, Quellier Florent (dir.), Festins de la Renaissance. Cuisine et trésors de la table, Château de Blois, Somogy Édition d’art, Paris, 2012, 318 p.
Serventi Silvano, “La table dressée » dans Livres en bouche, cinq siècles d’art culinaire français, BNF, Hermann, 2001, p. 119-165.
Zaouali Lilia, La grande cuisine arabe du Moyen Âge, livre d’histoire et de recettes, Officina Libraria, 2010, p. 164 – 157.