Originaire du centre-est de l’Amérique du Sud (Brésil, Argentine, Paraguay), l’ananas est diffusé par les Amérindiens dans le nord du continent et dans les Caraïbes. Christophe Colomb le découvre, lors de son second voyage en 1493, en Guadeloupe. Son nom en tupi (langue des Indiens du Brésil) est nana, anana, ananassa. L’explorateur génois le décrit comme une grosse pomme de pin, au goût excellent et que l’on coupe au couteau comme un navet.
Comme tout nouveau produit (et ils sont nombreux à venir des Amériques), on cherche à le comparer avec des fruits connus pour le rendre moins douteux aux yeux des Européens. Mais son goût très sucré, et acidulé le rends de suite très apprécié des explorateurs. On le rapproche, pour le décrire, à la pêche, à la pomme, au coing et au muscat tout à la fois, ou bien encore à la fraise, la framboise, l’abricot, la pêche et le musc, ou encore au melon.
L’ananas est sans doute connu en Espagne depuis 1535, mais la difficulté à conserver ce fruit qui ne supporte pas les longues traversées en bateau retarde son assimilation dans la cuisine européenne.
En 1658, un français aurait commencé la culture en pot sous serre, mais ce mode de production très coûteux se développe surtout au XVIIIe siècle et reste très limité. Le fruit est donc importé confit depuis les lieux de production : l’Amérique du Sud, les îles des Caraïbes et l’Asie du sud-est où il est introduit par les Espagnols et les Portugais.
En France, il entre dans les livres d’office (recettes de mets froids qui se préparent dans l’office), à la fin du XVIIIe siècle ce qui marque son assimilation dans les habitudes alimentaires. Dans le Gazetin du comestible de 1767, premier catalogue de vente par correspondance de denrées comestibles, les ananas se vendent crus (pour en faire des glaces) de 15 à 30 livres la pièce (un prix peu abordable quand un poulet vaux 18 sous) ou confits, transportés en barrique. On trouve aussi, en Bordelais, des importations de « confiture d’ananas venue d’Amérique » dans les feuilles d’annonces commerciales.
Curieusement, jusqu’en 1947, les ouvrages d’horticultures le classent dans les légumes, mais il n’est employé en cuisine que pour la confection des desserts et entremets sucrés : glaces et sorbets, gélatines et pâtes confites, compotes, jus, salades sucrées, macéré dans du vin, de la liqueur et aussi confit entier avec leur couronne de feuilles.
Pour en savoir plus
Desmond Tate, Saveur et splendeur des fruits tropicaux, Orphie, 2002, p.16-17.
Escoffier Auguste, L’aide-mémoire culinaire, Paris, 1919 réedition Flammarion 2006.
Hervé This, Les secrets de la casserole, Belin, 2004, p. 102-103
L’inventaire du patrimoine culinaire de la France : Guadelouppe, Albin Michel/CNAC, 1999, p 140
L’inventaire du patrimoine culinaire de la France : Guyanne, Albin Michel/CNAC, 1999, p 137
Marika Galli, « L’assimilation de l’ananas dans les gastronomies française et italienne » dans Le choix des aliments. Informations et pratiques alimentaires de la fin du Moyen Âge à nos jours. Collection Tables des hommes PUFR et PUR, 2010, p.77 -95
Meyzie Philippe, La table du Sud-Ouest et l’émergence des cuisines régionales (1700-1850), PUR Collection « Histoire », 2007, 428 p.
Michel Pitrat et Claude Foury coord., Histoires de légumes des origines à l’orée du XXIe siècle. INRA Edition, 2003, p.72.
Péhaut Yves, « L’invasion des produits d’outre-mer » dans Histoire de l’alimentation, Fayard, 1996, p744-766.