Originaire du Pérou et d’Équateur, la forme sauvage de la tomate est plus proche de notre tomate-cerise actuelle. Elle est domestiquée au Mexique, à une époque inconnue, où les Espagnols conquistadors la découvrent. Ils la ramènent sur le vieux continent dans la première moitié du XVI e siècle. En 1544, Pietro Andreas Matthioli, botaniste italien, les décrit comme « des fruits aplatis et côtelés qui de verts deviennent jaune d’or ». La première tomate introduite sur le continent européen est donc jaune. On en trouve des représentations, dès 1553, dans les ouvrages de Rembertus Dodoens (édité à Anvers) ou de Samuel Quicchelberg (édité à Nuremberg).
Comme tous les produits inconnus venus des Amériques, on cherche à comparer la tomate avec des variétés connues par les botanistes européens. Malheureusement, elle est classée dans la famille de la mandragore, une espèce toxique (Matthioli, 1544). Léonart Fuschs, botaniste et médecin allemand, en 1558, fait référence à Théophraste (botaniste grec des IV e -III e s.) pour nier cette association. Pour lui, la tomate n’est en rien ressemblante à la mandragore, le fruit n’est pas dangereux, mais seulement difficile à digérer. Il détermine sa nature comme froide et humide tout comme le concombre et les champignons. Le débat introduit le doute. Mathias de l’Obel, botaniste flamand, écrit en 1581, « leur odeur forte et nauséabonde nous signale suffisamment combien il est dangereux d’en consommer ». En 1600, Olivier de Serre préconise toujours de les utiliser en ornement mais de ne pas les manger.
Elle semble, pourtant, acclimatée en Languedoc à partir de 1590. Cependant dans le Sud-Ouest aquitain, la tomate n’apparaît pas, dans les comptes de bouche des maisons nobles ou bourgeoises, avant le début du XIX e s. Et il faut attendre, le milieu du siècle pour voir le fruit dans les menus et les recettes, attestant ainsi le développement de sa consommation.
Encore au XIX e siècle, des botanistes allemands la considèrent comme une plante toxique, ce n’est qu’à la veille de la Première Guerre Mondiale qu’ils reconnaissent ses qualités et ses vertus.
Pour en savoir plus
Flandrin J.L. et Montanari Massimo. « Les temps modernes » dans Histoire de l’alimentation, Fayard, 1996, p.557
Historia, La cuisine gourmande d’autrefois, Point de vue, 2010, Express Roularta Edition et Historia, 239 p.
Montanari Massimo, Le manger comme culture, UB lire, Edition de l’Université de Bruxelles, 2010, 148 p.
Meyzie Philippe, La table du Sud-Ouest et l’émergence des cuisines régionales (1700-1850), PUR Collection « Histoire », 2007, 428 p.
Rey Alain, Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert, 1994, p.2128.
Dumas Alexandre, Grand dictionnaire de cuisine (1873), Phébus, Paris , 2000, 613 p.
Wild Roger (dir.), La cuisine considérée comme un des Beaux-Arts. Livre de chevet de la Maîtresse de Maison, ed. Tambourinaire, Paris, 1951, 425 p.
Pitrat Michel et Foury Claude coord., Histoires de légumes des origines à l’orée du XXI e siècle. INRA Edition, 2003, p.
Montanari Massimo et Pitte Jean-Robert, Les frontières alimentaires, CNRS Editions, 2009, 346 p.
Serventi Silvano et Sabban Françoise, Les pâtes. Histoire d’une culture universelle, Actes Sud, 2000, 495 p.