Quand le persil et la sauge envahissent les bouquets : les goûts du Moyen Âge.
Si les herbes aromatiques sont employées fraîches en saison, le Ménagier de Paris, en 1390, préconise de les cueillir lorsqu’elles sont en fleurs, de les sécher et de les piler pour les conserver toute l’année. Les traités culinaires du Moyen Âge ne mentionnent pas l’usage de bouquet garni. Durant tout le Moyen Âge, les herbes aromatiques les plus présentes en cuisine sont le persil, la sauge, l’ail, la marjolaine et les menthes (pouliot, calament, menthe-coq). Une association de saveur reviennent régulièrement dans le Ménagier de Paris, le persil et la sauge parfois complété avec de l’hysope (saveur thym et sauge camphrés) et de la menthe-coq (saveur menthe forte). Dans un traité Languedocien de 1385-1390, Le Modus, on préfère associer dans un plat le persil, la marjolaine et la menthe. La marjolaine avec la menthe est la saveur préférée du cuisinier Lancelot de Casteau au XVIe siècle.
Maitre Chiquart, en 1420, un cuisinier très précis dans l’énoncé de ses recettes, est le seul à indiquer l’usage d’une « bûchette » avec de la sauge, du persil, de l’hysope et de la marjolaine. Cette façon de faire pourrait nous laisser penser que l’usage du bouquet est induit dans les autres traités culinaires du Moyen Âge, mais non précisé dans les recettes.
Nouvelle cuisine, nouveaux goût : le triomphe du bouquet garni.
En France, une nouvelle façon de cuisinier se met en place, dans le courant du XVIIe siècle, dans les cuisines des aristocrates. Le « bouquet » ou le « paquet » d’herbes devient indispensable pour assaisonner, les potages, les jus, les coulis et autres préparations. Pierre de lune dans son Nouveau cuisinier, en 1660, donne la composition du « paquet » fait de ciboule, d’un peu de thym, de deux ou trois clous de girofle le tout roulé dans une barde de lard et ficelé. Des variantes sont possible en ajoutant du cerfeuil, du persil ou une feuille de laurier. On réalise ce paquet sans lard pour les jours maigres où la graisse animale est interdite.
Au XVIIIe siècle, Menon dans La Cuisinière bourgeoise, utilise un bouquet garni fait de persil, de ciboule, d’une feuille de laurier, de thym, de basilic, de trois clous de girofle, et d’une gousse d’ail. Il précise « le persil et la ciboule sont d’un très grand usage en cuisine », « le thym, le laurier, le basilic servent à mettre dans tous les bouquets de fines herbes. »
En 1829, Louis-Eustache Audot distingue trois façons d’assembler les herbes aromatiques : le « bouquet » réalisé avec du persil et de la ciboule que l’on lie en paquet. On les met dans les ragoûts pour relever la saveur». «Le bouquet garni » qui est composé de persil, ciboule, thym, basilic et laurier. Les « fines herbes » qui sont « cerfeuil, estragon, civette ou ciboule, cresson alénois pour sauces froides et persil, ciboule, oignon ou échalote pour emploi à chaud ; le tout haché très fin ». Le grand cuisinier Jules Gouffé, en 1867 est plus précis « Le bouquet garni est d’un emploi général pour tous les assaisonnements. On compose un bouquet ordinaire avec 30 g de persil en branche, 2 g de thym, 2 g de laurier. On commence par laver le persil; on place le thym et le laurier au milieu ; on replis la tête et la queue de la branche de persil sur le milieu de manière à bien envelopper le thym et le laurier ; on ficelle ; on ébarbe pour que les feuilles qui dépasseraient ne se détachent pas dans le liquide. Un bouquet bien fait doit avoir 5 centimètre de longueur ».
En 1878, le cuisinier et industriel de la conserve d’Albi, Jules Besset compose son bouquet garni avec céleri, persil, un tiers ou une demie-feuille de laurier, un peu de cerfeuil, un peu de thym, si on le désire. Il fait aussi un « gros bouquet » avec une ou deux feuilles de laurier, du céleri, du persil, du thym, de l’estragon et du cerfeuil.
Le grand Jules Escoffier, en 1934, simplifie le bouquet aux seuls persil, laurier, thym, et gousse d’ail.
Pour en savoir plus
Audot Louis-Eustache, La cuisinière de La campagne et de la Ville ou Nouvelle cuisine économique, 8e éd., Paris, Librairie Audot, 1829, 339 p.
Audot Louis-Eustache, La cuisinière de La campagne et de la Ville ou Nouvelle cuisine économique, 50e éd., Paris, Librairie Audot, 1872, 685 p.
Besset Jules, L’art culinaire, 41e édition, entièrement refondu et augmenté par Marie Besset, Toulouse, Imprimerie Régionale, après 1908, 480 p.
Escoffier Auguste, Ma cuisine, Paris, Flammarion, 1934, 703 p.
Gouffé Jules, Le livre de cuisine, 3e édition, Paris, Hachette, 1874, 844 p.
Lancelot de Casteau, Ouverture de cuisine, 1604, réédition fac-similé De Schutter, Anvers/Bruxelles, 1983, 307 p.
Liger Louis, Le ménage des champs et de la ville ou nouveau cuisinier françois, accomodé au goût du temps, Nouvelle édition, Paris, Chez Christ. David, 1761,480 p.
Le Ménagier de Paris. Edition de G. Brereton et J M. Ferrier, Lettres Gothiques, Paris, Le livre en poche,1994, 859 p.
Menon, La cuisinière bourgeoise suivie de l’office, Paris, éd. Guillyn, Paris, 1768, 449 p.
Menon, La Cuisinière bourgeoise, fac-similé conforme à l’édition de Bruxelles chez Fançois Foppens, 1774, Messidor/Temps Actuels, 1981, 498 p., Postface d’Alice Peeters