La crêpe est une pâte à poêler faite de farine ou autre fécule, d’un liquide et d’œufs. Ainsi se définit la crêpe.
Les premières crêpes
Le blé étant, avec l’orge, l’une des premières céréales cultivées, on pourrait croire que la crêpe est connue depuis des milliers d’années.
Difficile pour ne pas dire impossible, de savoir si l’on faisait des crêpes au néolithique (entre – 5 000 à – 2 000 ans av. J.-C.). Si l’archéologie nous renseigne sur la batterie de cuisine disponible en ces temps très anciens, les pratiques culinaires nous restent inconnues. Des expériences ont été menées qui démontrent que cela n’était pas impossible à faire. Toutefois, avant l’âge des métaux (soit avant –1 500 à – 1 000 ans av. J.-C.), la poule n’est pas domestiquée et l’œuf reste un ingrédient occasionnel issu du chapardage dans les nids. On peut donc imaginer une pâte à crêpe avec ou sans œuf, cuite sur une pierre plate chauffée.
La crêpe originelle serait-elle de farine et de fromage ? Caton, dans la 1er moitié du IIe siècle av. J.-C., rapporte plusieurs recettes de gâteaux au fromage. Il semble que la farine de fromage sec soit un des ingrédients de base des pâtisseries de cette époque, la farine de blé étant utilisée plutôt pour les bouillies, galettes et pains du quotidien. Ainsi, le circulus est une pâtisserie circulaire faite d’une pâte coulante mais pas fluide, réalisée avec de la farine et du fromage que l’on fait cuire sur une plaque (Varron, Ier siècle av. et Athénée, au IIIe siècle ap. J.-C.). Le panis strepticius (Pline au Ier siècle ap. et Athénée au IIIe siècle ap. J.-C.) est assez rapprochant. On ajoute dans ce « pain » un peu de lait, du poivre et de la graisse et on le cuit des deux côtés.
Ibn Razîn al-Tujîbî, auteur culinaire andalous, de la 1ermoitié du XIIIe siècle, rapporte la recette des Kunâfa dont la pâte fluide et légère est préparée à base de semoule pure et d’eau, sans œuf. La crêpe se cuit sur une plaque graissée à l’huile douce, posée sur le feu de charbon sans flamme. La pâte cuit très vite, on la détache au couteau et on la pose dans un plat. On arrose les crêpes, d’une sauce au miel poivré.
La crêpe du Moyen-Âge
Au Moyen Âge, le mot sous la forme crispe en 1285, puis crepe, en 1380, est dérivé de l’ancien adjectif cresp, crespe du latin crispus qui signifie « frisé, ondulé » par allusion à la forme que prend la crêpe quand elle cuit.
La recette la plus ancienne connue dans un traité culinaire français est celle du Ménagier de Paris, rédigée vers 1393. Cette crêpe est faite de farine, d’œufs entiers, d’eau, de vin et de sel. On utilise une poêle en fer ou en airain (un mélange de cuivre et d’étain), chauffée au feu et graissée. Pour la cuire, il faut maitriser la technique : « Quand la graisse frémit, faire couler la pâte avec une écuelle percée d’un trou gros comme un petit doigt. Il faut commencer en versant au milieu de la poêle et poursuivre en tournant tout autour. La pâte demande d’être battue sans cesse entre deux crêpes pour lui garder sa fluidité. Une fois la crêpe cuite sur une face, la soulever avec une « brochette » ou un « fuisel » (fuseau) et la retourner pour cuire l’autre face ». On mange ces crêpes saupoudrées de sucre.
Maitre Lancelot de Casteau, en 1604, réalise ses crêpes avec du pain blanc rassis, des œufs et de la crème. Avant de la servir, il la saupoudre de sucre et de cannelle. Il propose aussi plusieurs recettes de crêpes fourrées oignons-parmesan ou pommes-coings caramélisés à la cannelle.
La crêpe revisitée du 19 e siècle.
La recette est boudée dans les traitées culinaires de la seconde moitié du XVIIe siècle et du XVIIIe siècle qui s’adressent, pour la plupart, aux professionnels de la cuisine. Ce n’est pas pour autant que la pratique en oublie la recette. Il est plus probable qu’elle soit passée, par la transmission orale, dans la cuisine ordinaire.
On la retrouve ainsi dans les livres de cuisine du XIXe siècle, classée dans la catégorie des entremets sucrés chauds. La crêpe simple est au sucre, mais la crêpe fourrée à la confiture ou à la crème est nommée un « pannequet ». La pâte est dès lors celle que nous connaissons aujourd’hui, faite de farine, d’œuf et de lait.
Pour en savoir plus
André Jacques, L’ Alimentation et la cuisine à Rome, études anciennes, Les Belles Lettres, Paris, 2009, 252 p.
Flouet Anne et Romac Jean-Paul, La cuisine néolithique et la grotte de La Molle-Pierre, Jean-Paul Rocher éd., 2007, 235 p.
Poulain Jean-Pierre et Neirinck Edmond, Histoire de la cuisine et des cuisiniers. Techniques culinaires et pratiques de table, en France, du Moyen-Âge à nos jours. Éditions LT Jacques Lanore, 2007, 176 p.
Redon Odile, Sabban Françoise, Serventi Silvano, La gastronomie au Moyen Âge, 150 recettes de France et d’Italie, Stock, 1993, 333 p.
Rey Alain, Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert, 1994, 2383 p.