Andrée Mallet-Maze dit La Mazille (1891 – 1984), née et résidante à Paris, a gardé un attachement pour ses origines familiales périgourdines. Elle est auteure de plusieurs livres de nouvelles et de contes périgourdins.
En 1929, elle publie chez Flammarion, La bonne cuisine du Périgord illustré par sa soeur Renée. C’est le premier livre de cuisine régionale sur la Dordogne. Son recueil de 400 recettes est écrit comme un ouvrage sur les traditions populaires et sauvegarde des recettes traditionnelles transmises oralement de mère en fille.
Son enquête la mène sur les chemins de Dordogne pour recueillir les recettes. Les descriptions sont bien souvent succinctes car le savoir-faire des cuisinières périgourdines est avant tout dû à la pratique, à l’exemple de cette recette de gâteau de maïs : “Oh! c’est bien facile : vous prenez un peu de farine blanche, vous y mêlez un peu de farine de gros blé, vous mettez du sel et du sucre au goût, vous battez ensuite quelques oeufs, vous ajoutez quelques raisins, vous parfumez à votre idée. Si vous avez du beurre, vous mettez du beurre, si non vous mettez de la graisse fine, ou encore du lait”.
La Mazille semble avoir fait toutes les recettes pour préciser, les quantités des ingrédients, les temps de préparation et de cuisson. Ce sont des recettes pratiques qu’elle nous transmet, des plats qui sont cuits encore au début du XXe siècle, sur les braises ou au four à bois.
Une cuisine du Sud-Ouest.
Les recettes de La Mazille, bien que périgourdines s’inscrivent dans une cuisine plus largement du Sud-Ouest. Elle précise elle-même à plusieurs reprises ces particularités du Midi que la cuisine parisienne critique.
• On reproche notamment à la cuisine du Sud-Ouest d’abuser de l’ail. Pourtant explique t-elle « L’ail est dans le pays, d’une saveur spéciale et peut-être moins forte qu’ailleurs… il n’est pas question de goût malodorant, étant donné que l’ail est rarement employé cru. Il est évident que si vous jugez le parfum de l’ail d’après les escargots à la mode de Paris, où, grossièrement haché cru, il est mis à la dose de presque une gousse par escargot, vous pouvez en être effrayé ».
• De même, l’usage de la graisse de porc dans les cuisines du Sud-Ouest est peu apprécié chez les mangeurs du nord . « À Paris, c’est le seul beurre qui est admis. La cuisine au beurre est d’ailleurs parfaite tout onéreuse qu’elle soit, à condition qu’on ne la truque pas avec des succédanés tels margarine et autres dérivés »
• Ce n’est pas seulement à Paris qu’on se régale avec les escargots. « Dans le Midi et le Sud-Ouest, on s’en délecte et on les accommode de trente-six manières ».
• Le savoir-faire des fermiers-éleveurs de volailles est également reconnu : « Ne dit-on pas que les confits d’oie et de canard du Sud-Ouest, en particulier du Périgord, sont la gloire de la gastronomie française ? »
• Le farci périgourdin qui est aussi celui du Sud-Ouest, peut être fait au maigre ou au lard. On farci des viandes, volailles et légumes. Il enrichit le bouillon. Il est réalisé avec : mie de pain émiettée et mouillée au lait ou au bouillon lié aux jaunes d’oeufs bien frais, viande hachée, fines herbes, persil, ail, échalote, sel et poivre. « On peut y ajouter des foies et du sang de la bête ».
Les saveurs de la cuisine périgourdine du début du 20e siècle.
Le livre de cuisine de La Mazille est une vraie source historique qui nous donne les appréciations de ses contemporains sur les goûts de la cuisine régionale dont voici quelques annotations précieuses.
• Sur la graisse de cuisine : celle de porc ou d’oie et l’huile de noix ou d’olive sont une excellente nourriture pour la santé à condition de l’utiliser avec modération. Le beurre de Charente est réservé pour les hors-d’oeuvre et pour certains gâteaux. L’huile de noix communique une saveur exquise à la salade, mais depuis quelques années, elle tend à être remplacée par de l’huile d’olive ou même par l’huile d’arachide de goût neutre.
• L’ail, l’oignon, l’échalote, le verjus ou le vinaigre, le vin, la tomate, le cèpe et tous les champignons, le bouquet garni, le sel, le poivre, les clous de girofle dans un oignon, le céleri, le lard et la graisse, l’huile de noix ou d’olive, les cornichons sont tous des ingrédients indispensables pour le bon goût des plats périgourdins.
• Les feuilles du laurier-cerise (laurier-rose) ont un arôme d’amande amère discret. On les utilise pour parfumer les millas et les crèmes. Les Périgourdines connaissent la propriété toxique du laurier-cerise et en usent avec modération.
• « Dans tout le Sud-Ouest qui ne connaît pas la daube au vin rouge de la Saint-André ? » Le secret réside entièrement dans une cuisson fort lente et régulière. On la confectionne avec : boeuf, couenne de lard, hachis de lard, persil, ail et échalotes disposés en couches, demi-bouteille de vin rouge, oignon piqué de girofle, bouquet garni, sel, poivre, quatre épices. Pour les repas de noce, on fait la daube au veau et au vin blanc.
• La cuisine périgourdine emprunte quelques recettes des régions voisines : le carré de boeuf braisé à la bouillie de maïs est connu principalement en Guyenne et Gascogne.
Les changements culinaires au début du 20e siècle.
• « Il fut un temps, en Dordogne, où les personnes de la campagne avaient une répulsion insurmontable pour le mouton. Depuis longtemps, le mouton a pris sa revanche ».
• Les miques de maïs est un des mets les plus anciennement connus en Périgord. « Mais les générations nouvelles font fi des miques de maïs. Elles remplaçaient le pain quand il venait à manquer. Elles se mangent encore comme dessert, en tranches frites panées dans l’oeuf battu et recouvertes de gelée de groseilles ou de miel et c’est comme cela qu’elles sont les meilleures ».
• Bien qu’il fait toujours la réputation de la région, on apprend que le gibier n’est plus aussi abondant qu’autrefois, car « on néglige de repeupler ».
• La soupe du petit déjeuner tend à être remplacée par le café et le lait.
• « Le chabrol est une vieille coutume devenue une curiosité, qui reste encore pratiquée par les vieux paysans du Périgord. La chaleur du bouillon développe l’alcool du vin rouge et en forme un tonique réconfortant. Les jeunes générations qui se sont sorties du village laissent tomber cette coutume en désuétude ».
• La cuisine parisienne s’enthousiasme pour la truffe, ce qui fait grimper le prix du champignon. « Il y a peu d’années encore, les Périgourdins n’auraient pas osé manger de dinde le jour de la mi-carême si elle n’avait été convenablement truffée. Depuis hélas, les temps ont changé, la dinde truffée est devenue un luxe onéreux ».
• » Il n’y a pas si longtemps, dans les repas de fête, bien entendu avant la vie chère de ces dernières années, il ne défilait pas moins de 3 ou 4 plats de viandes ».
• Les tortillons, cette pâtisserie périgourdine « n’a plus la même vogue qu’autrefois et j’ai eu quelque peine à en trouver la véritable recette auprès des personnes du pays ».
Pour en savoir plus
La Mazille, La bonne cuisine du Périgord, Paris, Flammarion, 2013, 317 p.